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Festival de Cannes

Tilda Swinton, le don d’ambiguïté

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Le festival de Cannes 2011dossier
Entre deux «Narnia», la Britannique cultive sa face obscure en jouant une mère torturée par son fils dans «We Need to Talk About Kevin».
publié le 14 mai 2011 à 0h00

Comment se prendre une grosse claque. Ou une immense claque, en l'occurrence, fichée comme une flèche mortelle au cœur de la vulgarité festivalière. C'est notre quatrième interview en deux heures, et pour elle ce doit être la dixième. Question idiote : «Vous cultivez votre image ambiguë ?» Réponse stoïque : «Une image, c'est mieux quand c'est ambigu, non ?» Tilda Swinton est sublime au sens philosophique du terme, elle dépasse l'entendement. Sa présence de statue sur la plage, blanche et or sous le soleil de midi, transporte le monde dans un autre ordre de choses. Elle-même semble avoir été expédiée sur Terre par erreur, les yeux («mes yeux écossais», dit-elle) mi-clos sous la luminosité criarde, comme en attente de téléportation.

Ses phrases sont sèches, tranchantes, prenant toujours l’interlocuteur de cours, échappant à l’exercice imposé pour s’élever dans les airs et surplomber le cirque ambiant. Et puis belle comme ça à 50 ans, c’est pas permis, surtout quand on voit les horreurs qui traînent à quelques mètres de là, pauvres trentenaires hollywoodées ayant subi une ablation du visage pour s’affubler d’un masque de petite fille. On n’a pas pris de loupe, mais, à l’œil nu, jamais le bistouri ni l’acide hyaluronique n’ont approché cette gueule de jeune voyou.

«Inarticulation». Belle et aussi intelligente. Le mot la fait rire, on dirait qu'on l'insulte. «Je ne sais pas. J'ai été suréduquée et donc aussi totalement inéduquée.»