Le Larzac dépend pour eux d'une autre grammaire. Ils disent «le Larzac nous a rassemblés» ou «le Larzac nous est tombé dessus». C'est un événement, un concept, absolument plus un lieu. Léon et Marizette sont les héros plus ou moins volontaires de la bataille que les habitants du plateau ont menée contre l'Etat aux côtés de militants politiques durant les années 70. Lui est un «pur porc», comme il dit, né dans une famille paysanne. Elle est la veuve de Guy Tarlier, le «stratège» du mouvement, arrivée avec son mari («on se mariait à l'époque») en 1965. Il a 65 ans et elle 77 mais, élan de l'esprit et du corps oblige, en paraît dix de moins.
Brebis. Ils se présentent en plaisantant, disant «on n'est pas un couple». Lui galèje en précisant que, bien sûr, dès qu'elle a débarqué dans la région, il l'a remarquée : à la messe du dimanche.
En 1971, le ministre de la Défense d'alors, Michel Debré, décide d'agrandir (beaucoup) le camp militaire du Larzac et de procéder à l'expulsion des quelques familles de fermiers qui vivent là, prétextant que, de toute façon, ils produisent peu et n'ont que quelques brebis. Il n'ajoute pas qu'ils sont dégénérés, mais peu s'en faut : les archives télé de l'époque font, côté propagande, froid dans le dos. Munie d'une marguerite fichée entre les dents, la brebis deviendra du coup le symbole de la lutte, muée en animal sympathique alors qu'«en réalité, y'a pas plus bête et mauvais comme ani