Mettons tout de suite à l'aise les pleureuses et lamentins de la Croisette, qui gémissent chaque année que les films sont tristes, que les cinéastes sont trop prévisibles, que la sélection officielle n'accueille que des «abonnés» et que les Dardenne cumulent ces trois charges rédhibitoires. Nos frustrés peuvent se dispenser d'aller voir leur dernier film et s'en donner quand même à coeur joie : le Gamin au vélo joue d'avance pour eux (qui ne sont certainement ni tristes, ni prévisibles, ni abonnés à aucune sorte de coterie) ce rôle d'épouvantail fort commode, qui les hisse au point d'incandescence de leur indignation culturelle et sociale…
Horlogerie. Mais il suffit aussi d'avoir la curiosité de regarder ce film en face, en oubliant tout le reste, pour s'apercevoir que les jérémiades rituelles ont tout faux, une fois encore. Le Gamin au vélo, dans sa forme comme dans son fond, est un authentique petit joyau hollywoodien, au sens artisanal et esthétique du terme. Un film dont l'alchimie rappelle celle des fables sociales transposées en western ou film noir à l'époque du meilleur Hollywood, celui des séries B austères, épiques et politiques à la fois, hautement morales dans leur horlogerie comme dans leur démonstration.
Lorsque les frères Dardenne expliquent qu'avec ce film ils ont voulu faire une sorte de Sauvez Willy à leur échelle, il faut l'entendre comme une plaisanterie sérieuse. La flèche qu'ils arment et tendent depuis leur pos