Il y a un peu moins de deux ans, ce même journal se demandait si The Chaser, premier film du Coréen Na Hong-jin, serait ou non un «one shot», un coup non reproductible, une bulle fort séduisante mais sans lendemain. On vient d'avoir la réponse avec The Murderer : non, ce n'était pas un accident, et Na Hong-jin appartient de plein droit à l'espèce cinéaste. Vu son âge, 36 ans, et l'énergie dont ses films témoignent, c'est même un nom qu'il va falloir ajouter à la liste des Coréens qui comptent.
Moires. Dans sa traduction littérale, le titre original signifie «la mer Jaune» et désigne la petite partie du Pacifique qui baigne les côtes de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud. Mer de tous les trafics, elle emporte le Chinois Gu-nam, taxi de métier, vers la Corée, où il doit exécuter un contrat qui le sauvera de ses dettes et, peut-être, retrouver sa femme émigrée dont il est sans nouvelles. L'épopée de Gu-nam (excellent Ha Jung-woo) va prendre les plus sombres couleurs du polar pluvieux et du film noir à l'asiatique, toutes les teintes du chaos géopolitique que les flux migratoires modernes conjuguent à la misère éternelle, faisant scintiller ses moires pessimistes dans des décors urbains regardés avec un don superbe pour la sèche mélancolie.
Parfois explosivement brutal, mais sans un gramme de violence lyrique ou gratuite, The Murderer ne cesse de rebondir sur ses propres tensions électriques, enchâssant les récits sentimentaux, pol