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Critique

«Elena», la lutte classe d’Andreï Zviaguintsev

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Le festival de Cannes 2011dossier
Une traversée magique entre le luxe moscovite bon teint et le lumpenprolétariat. Prix spécial d’Un certain regard.
publié le 23 mai 2011 à 0h00

Rien n'est meilleur, surtout en fin de festival, qu'un film qui ne vous obéit pas. Un film russe, par exemple, dont ni le style au lyrisme froid, au train souverain, gracieux et à peine ralenti, ni la matière tout à fait déroutante, ni la morale explosive ne se conforment au pedigree des conventions critiques internationales. Sur la fiche de renseignements, pourtant, l'identité d'Andreï Zviaguintsev ne nous est pas étrangère, cet Elena étant son troisième long métrage après les impressionnants débuts du Retour et le plus contesté Bannissement. Mais c'est son cinéma qui échappe spectaculairement aux préconçus cognitifs dont l'œil cannois, particulièrement en fin de festival, subit partout les effets aliénants.

Nimbes.Elena pourrait être un thriller qui ne dit pas son nom, mais toute la mise en scène incite à se laisser guider par autre chose que le stress ou la tension. C'est l'histoire d'un couple plus très jeune et pourtant récent. Vladimir, bonne soixantaine, a fait fortune et exprime une morgue polie à l'endroit du monde, vivant protégé dans le luxe bon teint du Moscou moderne le mieux mondialisé. Il a épousé il y a deux ans Elena, une ancienne infirmière, avec laquelle il a eu une liaison pendant dix ans. Chacun a eu des enfants de son côté : lui une fille snob, rebelle et intelligente ; elle un fils qui ne parvient pas à sortir sa petite famille d'un sous-prolétariat alcoolisé, brutal, mal logé et sans emploi comme la