Ça mitraille sec sur la Croisette. Entre inconnus enguirlandés, on se shoote au shoop derrière ses verres fumés. Chacun photographie tout et n’importe qui, au cas où, pas question de rater une star putative. A coups de Canon 7D ou de portables HD, on revient chez soi avec une collec de Brandon et de Jessifer : peut-être au milieu, de Brad Pitt un coin d’yeux bleus. Il faudra chercher à la loupe. Les habitués ont attaché leurs chaises et leurs escabeaux non loin du tapis rouge. Le soir venu, ils tentent de vaines plongées sur les dos décolletés.
La photographie est toujours fétichiste à Cannes. C’est un morceau qu’on vient arracher, une image, pas la personne en son entier. Sous le soleil exactement, bonjour la balance des blancs, ou le crépitement des flashes, spécial teint dégueulasse. Le travail du portraitiste, qu’il soit rédacteur ou photographe, est donc toujours délicat. Creuser sous la promo fait parfois figure de lèse-majesté. Le junket est ici roi : les acteurs et réalisateurs reçoivent la presse à la queue leu leu. Au pire cinq minutes d’interview et trois de photo (Henry Hopper), au mieux trente ou quarante minutes de discussion et tant qu’on veut pour l’image (Maïwenn, les Dardenne…), avec une moyenne de trente minutes interview + photo. Les junkets se tiennent le plus souvent sur des «plages» aux noms improbables et temporaires (Martini, Baoli, des Palmes…), tentes abritant des restaurants qui sont mobilisés quelques heures pour dispatcher à leurs quatre coins le