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Libération
Critique

Alexandrie sans fard

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Deux ans de tournage, douze heures de docu, «Mafrouza» nous plonge dans la ferveur et le dénuement de l’Egypte populaire d’avant la révolution.
«Mafrouza» (DR)
publié le 15 juin 2011 à 0h00

«Je viens de la poussière, et la volonté, c'est le secret que tu m'as donné. Ton secret, s'il touche la poussière, il lui donne vie.» Est-ce un verset du Coran, ou est-ce une chanson adressée à Dieu que Hassan improvise ainsi, dans la poussière des venelles de Mafrouza, au petit matin, rescapé d'une nuit d'insomnie, une nouvelle nuit d'épousailles durant laquelle Hassan aura chanté sans relâche ? Longue et interminable nuit où tout Mafrouza l'aura porté sur ses épaules : Hassan chante (comme personne) dans les mariages. Le reste du temps, il est déserteur de l'armée égyptienne (par incapacité naturelle à supporter les ordres, d'où qu'ils viennent). Il ne se terre pas vraiment, il s'attend sans doute à être repris tôt ou tard. Pour l'heure, Hassan veut rester en vie. Ce qui pour lui signifie une seule chose : respirer, comme il l'entend, l'air vicié des ruelles de Mafrouza, un bidonville d'Alexandrie, maisons de moellons bâties sur les vestiges de la nécropole gréco-romaine.

Régulièrement, les morts de l’étage du dessous se rappellent aux vivants en faisant remonter leurs eaux usées : Mafrouza est un terrain inondable, un endroit de poussière et de boue dans lequel le voyou Hassan règne en prince pasolinien. Lui et le couple Badel et Ghada, mais encore ce vieux sage à barbe insoumis, mais aussi l’épicier-cheik ennemi juré des Frères musulmans, les enfants rieurs et innombrables, une famille de chiffonniers…

Pasolinien. Tous vivent à Mafrouza, et tous s