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Libération
Critique

Aux frais de la princesse

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Dans «My Little Princess», Eva Ionesco se réapproprie son passé de fille objet, exhibée par sa mère.
«My Little princess», avec Isabelle Huppert (DR)
publié le 29 juin 2011 à 0h00

My Little Princess n'est pas un premier film comme les autres. Il est suffisamment mystérieux, hanté et littéralement empoisonné pour qu'on puisse voir avant tout en lui une fiction portant très haut une histoire dérangée, un peu à la Dario Argento, un conte avec sa sorcière et sa proie, ses maléfices et ses jeux qui tournent mal, et dans laquelle l'ambiguïté exerce la plus intègre terreur. Mais il se trouve que ce conte a aussi été le quotidien d'une enfant dans le Paris du mitan des années 70. Et que cette enfant, elle aussi s'appelait Eva Ionesco. Elle posait, maquillée en princesse et à peine habillée pour les photos érotiques que prenait sa mère, Irina Ionesco. Et pourtant affirme la réalisatrice de My Little Princess, «la matière biographique n'est pas spécialement ce qui m'intéresse le plus au monde. J'avais juste envie de raconter ça». Est-ce parce qu'il est regardé comme une fiction que ce film arrive à tenir une gymnastique a priori impossible : tout dire, mais sans accabler totalement. Aller jusqu'à montrer et démonter l'insoutenable manipulation tout en faisant part, aussi, de ce qu'il y avait du parfum vénéneux d'une époque dans cette aventure à deux, où la mère, née d'un inceste, ne peut s'empêcher d'ôter à son tour l'enfance de sa fille ; laquelle, apprenant à se sentir regardée, consent à devenir cette petite poupée glamoureuse et fardée : un scandale de dix ans.

Froideur. «On me dit : "Mais quand même les photos