Leçon de scénario : n’écrire rien qui soit naturel, aucun mot qui se prononce dans la vie quotidienne. Les photos de vacances ont toujours l’air mortes. Il faut que le vrai sonne faux pour crever l’écran. Dans J’aime regarder les filles, tout est juste parce que rien n’est à l’identique. Cinéma brechtien, surexposé.
Primo est un prolétaire à l’ancienne, issu de parents fleuristes en province. Ils se sont saignés aux quatre veines (comme on disait alors) pour qu’il réussisse son bac à la capitale. Ils ont aussi défavorisé l’aîné, moins doué pour les études. On est en 1981, l’élection de Mitterrand se profile. Primo étudie dans un lycée chic et tombe amoureux de Gabrielle, une fille à papa. Mais comme il passe plus de temps à faire le joli cœur qu’à bosser ses cours, ses parents soupçonnent anguille sous roche (comme on disait, toujours, à la même époque).
Tatanes trouées. Autres temps, autres mœurs, la droite de 1981 est complexée et ne se croit pas encore de gauche, si bien que les amis de Gabrielle ne supportent pas le roturier et se méfient de ce Primo aux tatanes trouées. Il y a de la mésalliance dans l'air. Primo s'invente donc une famille sortable, un père photographe de mode mort en Alfa Romeo ou presque : après tout, le Doinel des Quatre Cents Coups avait bien suicidé sa mère parce qu'il ne l'aimait pas. Sauf que se débarrasser du père, ici, est une question sociale.
Frédéric Louf, rencontré au coin d'un café parisien, avoue deux courts&nbs