Dix jours dans une autre ville. On pourrait paraphraser Two Weeks In Another Town, un Minnelli malade et heurté de 1962, et voir Locarno comme un point de rendez-vous que se donne le cinéma. Parfois, les festivals sont beaux comme des boîtes aux lettres.
Lisandro Alonso et Albert Serra, nos meilleurs espoirs argentin et espagnol, type même de cinéastes déboulant à point nommé quand on pensait la partie cinéma perdue, ont répondu à la commande d'un musée barcelonais (le Macba): se parler sous forme de films croisés. Le résultat de cette «correspondance» est assez cocasse, ne serait-ce que sur le papier : Alonso a envoyé à Serra un film de vingt-trois minutes, Carta para Serra, auquel celui-ci a répondu par un film de deux heures vingt-six minutes ! N'allez pas croire que l'un a moins de choses à dire que l'autre.
Chacun a sa définition précise de sa place dans le cinéma contemporain. Celle d'Alonso a les traits d'un franc-tireur. Son héros, posté dans une clairière, carabine vissée sur l'épaule, vise un hors-champ mystérieux. Pas de détonation. Juste de la concentration. La concentration, c'est ce que recherche désespérément le personnage de réalisateur que joue Albert Serra, plus vrai que nature, dans El Senyor ha fet en mi meravelles, sa «lettre» à lui. Mais son tournage est une sorte de doux enfer drolatique, ses quatre acteurs (un ancien hippie, un gros, un vieux et un semi-fou du village) défaisant sans cesse son plan de travail. C'est en captant