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Libération
Critique

«Melancholia», sublime abîme

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Dans cette fresque picturale et détraquée, Lars Von Trier oppose les destins de deux sœurs au bord du néant.
Kirsten Dunst, dans «Melancholia». (DR)
publié le 10 août 2011 à 0h00
(mis à jour le 10 août 2011 à 13h48)

Deux mois et demi à peine après Cannes, la funeste conférence de presse de Melancholia est encore dans toute les têtes (lire page suivante). Si ces douze ou treize semaines forment un temps encore trop court pour les médias (pourtant réputés pour leur mémoire brève), prenons la chose à l'envers : deux mois et demi ont passé depuis la projection à Cannes de Melancholia, et le souvenir de son tremblement est si profondément ancré en nous qu'il est désormais certain que ce film appartient à la catégorie (rare) des classiques instantanés.

Virage. Si ce film glace et émeut, bouleverse et secoue, ce n'est pas pour son prologue, encore très démonstratif où Von Trier, comme il aime le faire quand il veut se planquer, pousse le bouchon trop loin : Wagner à donf, plus un tableau de Brueghel filmé au ralenti, plus l'Armageddon - rien que ça. Et puis, dès que ça a passé, dès qu'on voit surgir du noir cette route dans laquelle la voiture de mariée de Justine (Kirsten Dunst, juste ha-llu-ci-nante) s'embourbe pour ne pas avoir su prendre le bon virage, dès qu'on voit avec quelle proximité protectrice la caméra fait corps avec elle, dès qu'on entend son rire à elle devant ce qui merde, on est dans tout à fait autre chose, et on sait : ce film a toutes les chances d'échapper à tout. A la filmographie de son auteur, à ce que l'on sait de la représentation de la volonté de catastrophe qui sommeille en nous quand plus rien ne va et que le sol se dérobe