Voilà, il nous a bien eus. Dans un monde dépourvu de Raúl Ruiz, nous sommes entièrement livrés à la fiction, devant l’objectif de sa caméra invisible. Il filme désormais nos comédies fantoches depuis un monde parallèle, se frottant les mains du bon tour qu’il nous a joué. En attendant qu’une porte s’ouvre pour, à notre tour, nous dérober.
Il s'appelait Raúl ou Raoul, selon l'humeur et le pays, entre son Chili natal et sa France d'adoption, menant des vies parallèles. Le grand public se rappelle son adaptation de Proust en version optimiste (le Temps retrouvé) qui faisait coulisser deux de ses acteurs fétiches, Catherine Deneuve et Melvil Poupaud, sur l'axe d'un temps curieusement rabattu sur l'espace. On franchissait dans ce film une plage normande et l'on se retrouvait quelques années plus tôt dans l'histoire.
Ironie. Né au Chili le 25 juillet 1941, Ruiz fut étudiant en droit et en théologie, avant d'écrire des pièces de théâtre, de se gaver dans les cinoches d'épisodes de Fu Manchu et de Flash Gordon, et surtout de se former à la telenovela. Il reviendra à cette dernière en 2010 avec la fresque hallucinée des Mystères de Lisbonne (prix Louis-Delluc), disponible en film de plus de quatre heures et en série télé de six heures. Avouons-le : la version de quatre heures sans rondelles est une exquise plongée dans la matière-temps, où l'on avale aisément tous les bébés échangés et autres rebondissements clownesques.
Son univers n