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TRIBUNE

«Vol spécial», un documentaire qui met le feu au lac

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par Paulo Branco, producteur de cinéma indépendant.
publié le 22 août 2011 à 0h00

Je persiste et signe dans mon indignation et ma révolte contre le documentaire Vol spécial de Fernand Melgar (1), qui montre «de l'intérieur» un centre de rétention administrative suisse. Comment ne pas l'être lorsque, sous prétexte de dénoncer une loi abominable, le réalisateur ne cesse d'adopter le point de vue de ces simples «exécutants», ces «gardiens humanistes» que l'on entend à longueur de film répéter leurs bonnes intentions et qui ne seraient que les victimes collatérales d'un système sur lequel on ne leur demandera jamais leur avis ? Un point de vue dont le réalisateur se fait le complice permanent, au point de filmer leurs réunions et prendre connaissance d'informations vitales, qui ont eu pour conséquence la mort de plusieurs hommes, et qu'il ne transmettra pas aux détenus pour mieux «saisir» leurs réactions, filmées dans leur plus profonde et abjecte intimité.

Est-ce cela, filmer à la distance juste, alors qu’il faut attendre la fin du film pour apprendre que l’un des détenus a trouvé la mort, étouffé après avoir été embarqué par des policiers dont on aura pris soin de préserver, pour eux oui, l’anonymat ? Est-ce chercher la distance juste que de rendre un hommage et de faire applaudir le directeur du centre de rétention par 3 000 spectateurs lors de la présentation du film, sans qu’une parole ne soit prononcée en la mémoire de l’homme décédé, sans qu’aucun regret ne soit exprimé ?

Est-ce encore la distance juste que de se permettre de f