Le meilleur polar de l'été ne comporte aucune scène de crime. Il n'est d'ailleurs pas signé d'un spécialiste du genre et n'est même pas écrit d'une plume particulièrement alerte ou brillante. Mais quel suspense, quels rebondissements, quels incroyables meurtres symboliques, quels appétits sanguinaires ! En vérité, le Royaume enchanté n'est pas un roman mais un livre-document, un concentré de violence capitaliste assassine qui s'attache à retracer, avec une minutie chirurgicale, les vingt années du règne de Michael Eisner sur l'empire Disney, qu'il dirigea depuis son arrivée triomphale en 1984 jusqu'à son humiliant débarquement forcé en 2005. Ces deux décennies furent celles d'une profonde mutation d'Hollywood, en général, et de la maison Disney en particulier.
Lorsque Eisner prend les rênes du Magic Kingdom, la société vit tranquillement sur ses solides acquis et ronronne au rythme d'un long métrage d'animation tous les deux ans environ, de ses parcs d'attractions et de quelques programmes télés vendus à la pièce. Vingt ans plus tard, c'est une énorme major du divertissement mondial qu'Eisner laisse derrière lui, dont le chiffre d'affaires et les dividendes ont plus que décuplé, et qui a développé ses activités dans l'immobilier, la télévision (acquisitions des networks ESPN et ABC), la comédie musicale (juteux spectacles sur Broadway), le cinéma «classique» tous publics (via le studio Miramax notamment) et la production de films d'animation en images de synthèse (gr