Menu
Libération
Critique

Ceylan, la leçon d’Anatolie

Article réservé aux abonnés
Grand prix à Cannes, le cinéaste turc métamorphose un fait divers horrible en somptueuse errance. Un polar peint par Le Caravage.
«Il était une fois en Anatolie» (DR)
publié le 2 novembre 2011 à 0h00

C'est un long voyage dans le froid, le vent et les ténèbres. Une errance du crépuscule à une aube sale avec sa lumière grise sur l'immensité nue de la steppe anatolienne. Un groupe d'hommes s'entassent dans deux voitures escortées d'une jeep : un procureur, un médecin, des flics, un meurtrier menotté et son frère. Ils sont à la recherche d'un cadavre que l'assassin enterra encore saoul, et il ne se souvient plus exactement de l'endroit exact, sinon qu'il s'agit «d'un champ plat avec un arbre en boule» près d'une fontaine.

Gageure. De ce crime d'ailleurs, on ne sait pas grand-chose pendant une bonne partie du film, sinon qu'il s'est déroulé dans une baraque, garage pouilleux au bord d'une grande route sillonnée de camions, montrée dans le prologue en quelques plans évoquant un Hopper gore. Puis, la vérité des êtres embarqués dans cette quête d'un cadavre se dessine à petites touches. Par des dialogues fragmentés, parfois insignifiants sur l'odeur du yaourt au lait de bufflonne ou celle de la viande d'agneau, ou au contraire intenses quand l'un ou l'autre des protagonistes confie ses échecs, ses rêves évanouis. Ensuite l'errance reprend avec les voitures roulant dans la nuit ou s'arrêtant au milieu de nulle part. Il y a les arbres et l'herbe jaunie de l'automne finissant, ondulant sous le vent dans la lumière des phares. «J'ai tenté de rendre toute la noirceur de la nuit», explique Nuri Bilge Ceylan, qui réussit la gageure d'un extérieur-nuit