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Lean de démarcation

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Prélude. Découverte des premiers films du cinéaste anglais dans le charme suranné des studios, aux antipodes du souffle épique du «Docteur Jivago».
publié le 2 novembre 2011 à 0h00

«David Lean, les premiers chefs-d'œuvre», est-il écrit sur la jaquette d'un coffret de cinq DVD consacré aux débuts de l'auteur du Docteur Jivago et de Lawrence d'Arabie. On peut comprendre commercialement ce coup de trompette. «David Lean, premiers désastres» aurait été moins vendeur. On est néanmoins peu convaincu par la pertinence du slogan après avoir visionné Heureux Mortels (1944), Brève Rencontre (1945), L'esprit s'amuse (1945), les Amants passionnés (1949) et Madeleine (1950). Car il y a toujours un risque de ridicule à forcer le passé pour lui faire prédire rétrospectivement le futur : Lean le vieux perçait sous David le jeune… Mais c'est surtout l'étiquetage «chef-d'œuvre» qui, par son abus, finit par banaliser ce qu'il tendait à singulariser.

Le titre du livret, rédigé par Pierre Berthomieu, historien du cinéma, est nettement plus subtil : Before the Epic («Avant l'épopée»). Ce que l'on sait d'ordinaire de Lean, au souvenir de ses plus fameux succès, relève en effet d'une poétique des grands espaces : neiges de la steppe (Jivago, 1965), sables du désert (Lawrence, 1962), jungle birmane (le Pont de la rivière Kwaï, 1957). Le summum de ce genre sera atteint dans la Fille de Ryan (1970) où ce sont les étendues de la lande irlandaise qui servent de macrocosme pour des personnages miniaturisés. Rien de cette géométrie des infinis dans les premiers essais