Au mois d'octobre, la Cinémathèque française invitait l'historien anglais Kevin Brownlow en ouverture de l'une des deux journées d'un important colloque sur la question des archives et du numérique. Ce qui est une idée on ne peut plus paradoxale : il n'y a pas moins numérique au monde que Sir Brownlow. Lequel a effectivement, une demi-heure durant, raconté comment il a contracté, adolescent, cette maladie vénérienne pour le cinéma muet en achetant une bobine amateur, forcément incomplète, du Napoléon d'Abel Gance. Et comment compléter ce film à jamais saccagé, amputé, démembré est devenu l'affaire de sa vie. On était loin des débats sur la restauration en 2k ou en 4k.
Trémolos. II se passe une sorte d'événement dans la carrière de Brownlow, lui qui a été récompensé l'an dernier par un oscar d'honneur pour saluer une vie à défendre l'histoire du cinéma américain : il vient enfin de voir le plus respecté de ses livres, The Parade's Gone By, se faire traduire en français. La première édition de ce best-seller était sortie aux éditions Knopf en… 1968. Entre-temps, le succès de cet ouvrage a permis à Brownlow de produire diverses séries sur l'histoire du cinéma muet pour la télévision, et ceux qui ont vu les émissions sur Chaplin au travail en parlent encore avec des trémolos dans la voix. Malgré cela, la France, terre cinéphile, l'a bouté hors de ses librairies, jugeant sans doute son approche trop américaine (un comble pour un sujet de