Quand on lui a téléphoné pour l'informer que son film Sleeping Beauty irait à Cannes, Julia Leigh dormait. Ce n'est pas seulement le décalage horaire entre la France et l'Australie. Chez Miss Leigh, le sommeil est une seconde vie. Depuis 1999, elle rêve qu'elle dort, et que des inconnus la filment pendant son sommeil. «Un cauchemar» qui la rend insomniaque : «Comment savoir ce qui arrive quand vous dormez ? C'est effrayant !» Puis elle se rendort et, de nouveau, rêve qu'elle dort. Parfois, comme dans un conte de fées, le téléphone sonne : son premier film est en sélection officielle.
Julia Leigh est une personne d'apparence délicate, perdue dans une robe de soie gris perle et coiffée de longues boucles brunes qui contrastent avec un teint extrêmement pâle. Elle semble effrayée par l'argumentaire de son film, repris dans les dossiers de presse et les bandes-annonces : «Ce que les hommes lui font la nuit, elle ne s'en souvient pas quand le jour se lève.» Un pitch qui serait comme la greffe entre une vidéo porno et la Belle au bois dormant.«C'est extrêmement provocant, ce n'est pas moi qui ai choisi, je n'ai pas l'intention de provoquer», se défend-elle. Vraie ou fausse, c'est une ingénue. La sleeping girl est un fantasme répandu, un produit d'appel classique sur les réseaux de prostitution d'Internet, sur YouTube, dans la peinture de Balthus et même dans la Bible, qui fait du roi Salomon un vieillard amateur de vier