Le travelling magistral du Cheval de Turin est bien éloigné des formes auxquelles faisaient appel les premiers films de Béla Tarr, sous l'influence de Cassavetes et d'un certain réalisme moderniste. Mais il s'agit déjà de rappeler la nature animale de l'homme, les protagonistes du Nid familial (1977), de l'Outsider (1980) et de Rapports préfabriqués (1982) étant, de fait, condamnés à vivre comme des oiseaux en cage. Collés les uns aux autres, prisonniers d'un quotidien qui se répète, ils sont devenus incapables de communiquer, occupés qu'ils sont à défendre leur fragment de territoire. Béla Tarr, qui cherche à rendre compte de l'isolement des individus au temps figé du communisme, les filme en gros plan et les enferme dans le cadre. Son cinéma, essentiellement matérialiste, s'inspire ainsi des lieux qu'il investit, comme on pourra le constater lors de la rétrospective intégrale qui lui est consacrée au centre Beaubourg à Paris, à partir de samedi.
La rencontre fortuite avec un texte, Macbeth de Shakespeare, et la possibilité d'utiliser les moyens techniques de la télévision d'Etat hongroise vont être l'occasion d'une première rupture esthétique dans le parcours du réalisateur. Pour son adaptation de la pièce (Macbeth, 1982), dont il ne retient qu'une partie, il choisit un lieu labyrinthique (les ruines d'un château) tourne l'ensemble du film en deux plans, le premier de cinq minutes, le suivant de soixante-sept minutes.