Venise fut unanime envers Shame : le gros du travail, la part de fascination qui émane du film est fourni par son acteur principal, Michael Fassbender. Il y a trois ans, à la sortie de Hunger, premier film du tandem McQueen-Fassbender, les rôles n'étaient pas aussi nettement distribués. Tout le monde s'accordait à voir dans le premier film de Steve McQueen, star de l'art contemporain, un passage naturel au cinéma - comprendre : quiconque pouvait voir Hunger sans rien savoir de Steve McQueen, n'avoir jamais mis les pieds dans une galerie, et trouver ça tout aussi génial. Par la puissance plastique des images (murs couverts de merde, etc.), par le tour de force d'une conversation duale filmée en plan séquence sur douze minutes, et grâce à cet acteur au visage taillé à la serpe qui cassait la baraque en même temps qu'il agonisait en prison : Michael Fassbender incarnait Bobby Sands, figure mythique de l'IRA mort des suites d'une grève de la faim (et de l'hygiène).
Folie calme. A la sortie de Shame, personne n'ose trop la ramener sur McQueen et c'est presqu'un seuil supplémentaire pour lui : faire si peu cas, ou à peine, dans sa mise en scène de son statut d'artiste contemporain qu'on lui donnerait sans confession sa carte pour bosser sur des projets grand standing destinés aux studios hollywoodiens.
On n'en est pas encore là, mais, de fait, Shame est un film anglo-saxon tourné à New York, ce qui fait penser à un autre