Entre la quiétude de la multiséculaire Harvard et l'existence tumultueuse de baroudeur à caméra, l'Anglais Lucien Castaing-Taylor n'a pas choisi. Ce solide gaillard barbu de 45 ans travaille depuis plus de dix ans sur les deux fronts, le conduisant notamment en Afrique pour son premier film, le remarquable In and Out of Africa, dans lequel il suivait le périple d'œuvres d'art anciennes depuis le sol africain jusqu'au domicile des collectionneurs occidentaux. En 2001, sa curiosité l'a conduit dans l'une des régions les plus reculées des Etats-Unis : les montagnes Beartooth du Montana. Plusieurs années de suite, il a suivi la transhumance des moutons, phénomène qui se déroulait tous les étés depuis la moitié du XIXe siècle avant de disparaître dans les années 2000. Dans un français presque parfait («vous me corrigez quand je fais une faute, d'accord ?»), il revient sur l'expérience de ce film.
Comment un Anglais en est-il arrivé à tourner un documentaire sur les grands espaces américains ?
Enfant, je passais une partie de mes vacances chez ma grand-mère, dans la région des Grands Lacs. J'en ai gardé des souvenirs marquants, comme des enfants des villes peuvent se projeter dans un univers imaginaire, utopique, face à des paysages aussi impressionnants. Je suis né à Liverpool, et je déteste cette ville et toute l'Angleterre. Ça me fait toujours penser à cette phrase de Shaw : «Il est impossible qu'un Anglais ouvre la bouche sans trouver un autre Anglais pour le détester ou le mépriser.»J'ai obtenu une bourse pour étudier le cinéma à USC <