Deleuze a dit plein de trucs utiles pour commencer un article critique (ou autre), et en particulier ceci : il y a pire qu’une mauvaise œuvre, c’est une œuvre sans intérêt. Devant la quantité hebdomadaire de films sans intérêt, on préfère parfois lorgner du côté du non-vu, des films non sortis en salles mais distribués en DVD.
«Ouille». Ceux de Françoise Romand en font partie. Née en 1955 à Marseille, elle est l'auteur de Mix Up, jugé meilleur film de 1988 par le critique du Chicago Reader Jonathan Rosenbaum, et classé dans les 15 meilleurs des années 80, par le même. On a vu quelques-uns de ses documentaires à la télé (dans feue la série Strip-tease) ou sur France 3, parfois en version remaniée par la prod. Il faut dire que Romand possède l'art du malaise sous ses airs foufous, que son domaine est l'exploration de l'intimité, non pas en étalant les viscères psy de ceux qu'elle épingle (parmi lesquels il faut la compter) mais comme limite, en interrogeant ce bord où le sujet se forme quand il décide ce qui est privé et ce qui ne l'est pas. Si on n'avait pas peur de vexer l'un et l'autre, on dirait qu'elle est une sorte de Luc Moullet au féminin, jouant l'idiote pour mieux épier le monde à l'entour.
Il y a trois ans, elle commence à publier directement ses films en DVD. C'est d'abord Appelez-moi madame, son deuxième opus, tourné en 1986, entretiens avec un militant communiste, marié et père, qui devient transsexuel à 55 ans a