Jusqu'à la dernière minute de Take Shelter, la question de la santé mentale du personnage principal plane comme un vautour au-dessus d'un grand malade. Curtis (Michael Shannon, vibrant de conflits intérieurs et un des meilleurs acteurs de sa génération) connaît des sommeils agités. Il rêve de pluies graisseuses, d'oiseaux morts, de périls terrifiants qui, nuit après nuit, se rapprochent de lui et de sa jolie petite famille. Le cauchemar, invariablement, s'achève sur une apocalyptique tornade qui rase tout. Que Curtis doit-il comprendre et, au passage, nous avec ? Qu'il est en train de lâcher la rampe ? Ou qu'il est le récepteur exclusif, catégorie prophète, de signes avant-coureurs de la fin du monde ? Comme le garçon est du genre taiseux et que personne ne l'aide vraiment, hormis une psychologue peu passionnée par son histoire, Curtis se soigne comme il peut, en construisant un ruineux abri antitornade de compétition, avec filtre à air, victuailles à profusion et masques à gaz.
Maisons proprettes. Si l'interrogation de la folie traverse tout le film, un peu à la manière de Roman Polanski époque Répulsion (1966), Jeff Nichols a l'intelligence de jouer la carte de l'universalité et non, comme le scénario le laisse d'abord entendre, de la singularité. La crise d'angoisse de Curtis, et le crescendo qui l'accompagne, n'est pas si différente, au fond, de celles de tous les jeunes adultes occidentaux qui ne trouvent pas le sommeil en pensant aux c