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Libération
Critique

Macadam à deux voix

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Avec «les Acacias», Pablo Giorgelli s’immisce dans l’intimité d’une rencontre au long cours entre un routier et sa passagère. Reportage dans les pas du réalisateur à Buenos Aires.
publié le 4 janvier 2012 à 0h00

Nous sommes au matin du 21 décembre, et Buenos Aires se réveille sous un agglomérat d’idées gélatineuses. La torpeur d’été et le ciel gris humide accompagnent le souvenir du dixième anniversaire, célébré la veille au soir, des émeutes sociales qui secouèrent la capitale argentine le 20 décembre 2001. Dix ans après, on garde, même ici en France, le souvenir très fort, très puissant, de ces images télévisées d’une population quasi unanimement en colère contre l’Etat, forçant les grilles des banques dans l’espoir de récupérer leurs économies - une loi venait d’être abrogée consacrant l’intangibilité des dépôts bancaires.

On se souvient de rues blanchies sous la poussière des pavés que les manifestants descellaient, on se souvient des jeunes gens matraqués par la police, certains à mort, on se souvient de l'hélicoptère du président Fernando de la Rua prenant la fuite depuis le toit du Palais du gouvernement. Pablo Giorgelli s'en souvient parfaitement, comme tout le monde, et peut-être mieux que tout le monde. Il venait alors d'ouvrir un pub à l'irlandaise, The Clover, en association avec quatre copains, dans le centre de la ville, «downtown» comme ils disent à Buenos Aires, exactement là, dans cette rue où les émeutes ont commencé. Il se souvient du bar encore ouvert le matin, de la foule qui s'est soudain emparé de la rue vers 10 ou 11 heures, du barrage policier devant les portes du pub et des pierres qui en quelques secondes se sont abattues sur les vitres, les faisan