Elle ouvre la porte avec des lunettes noires. Pas pour faire sa snob, précise-t-elle aussitôt : Chantal Akerman a un truc dans l'œil attrapé, croit-elle, dans le TGV de Strasbourg. Elle revient d'une avant-première de la Folie Almayer. Un truc dans l'œil, c'est sûr. Ça s'appelle le regard. On est encore plein du sien après avoir vu Almayer donc, mais aussi le coffret de DVD documentaires paru à l'automne chez Shellac et qui rassemble D'Est, Sud, De l'autre côté et Là-bas. Elle ôte ses lunettes, n'a rien à l'œil qui est bleu, et laisse rouler sa voix de cigarette, le temps d'en trouver une dans son appartement du XXe arrondissement de Paris, où tout semble toujours égaré.
On attaque structurel, sur l'opposition apparente entre les fictions de l'enfermement en chambre (Jeanne Dielman en 1976, avec Delphine Seyrig en psychopathe du logis) et celles de la perdition au-dehors (la Captive d'après Proust en 2000 ou cette Folie Almayer d'après Joseph Conrad). Akerman avoue volontiers l'enfermement. C'est déjà le sujet de Saute ma ville, qu'elle réalise avec elle-même dans l'unique rôle et en un jour à l'âge de 18 ans, faisant exploser sa chambre d'étudiante en se suicidant. «Un enfermement dans une cuisine mais aussi dans les gestes. Je faisais éclater cette clôture. Avec Je