Anne est une journaliste d’une belle quarantaine qui enquête sur la prostitution des filles en milieu étudiant. Anne est une bourgeoise new-look, à peu près bien mariée, confortablement logée et censément mère de famille heureuse. Pour son reportage, Anne rencontre deux jeunes filles, Alicja, d’origine polonaise, et Charlotte, française d’origine modeste. A écouter les confessions de ces prostituées d’occasion, Anne va quelque peu vaciller.
Ce qui est très réussi dans Elles, quatrième film de la réalisatrice Malgoska Szumowska, c'est la manière de déployer les troubles d'Anne dans un paysage mental tout aussi orageux. Anne a des problèmes, petits bobos psycho-machins qui font le charme discret de sa bourgeoisie «progressiste» : son jeune fils aîné fume des pétards, son mari regarde des pornos sur Internet. Tu parles d'un drame. Mais le malaise d'Anne est aussi un vertige qui subjugue son inscription sociale.
Frigo. Tout est dans le fourmillement des détails. Exemple : Anne se débrouille très mal avec les objets. Comme si les objets lui en voulaient. Anne se prend les pieds dans les fils, se cogne un peu partout, se brûle, se coupe. Sans parler de la porte de cette ordure de réfrigérateur qui refuse de se fermer. Et quand Anne se demande fébrilement où elle a pu fourrer ses clés, on pourrait presque lui souffler la réponse : dans le frigo !
Cette insistance à filmer la conspiration des objets n’est que la chambre d’écho d’une exaspération ontologique :