1955 : Allen Ginsberg n’est pas encore le gourou dégarni et déraisonnablement barbu que l’histoire retiendra. C’est un jeune homme moderne, poète confidentiel proche de Kerouac et Burroughs, déjà passé par l’asile à New York et fraîchement établi à San Francisco.
Lors d'une nuit de lectures à la Six Gallery, un soir d'octobre, il récite à la foule sa dernière œuvre. Un texte cru, provocant, révolutionnaire, dont la beauté laissera suffisamment de souvenirs à son premier auditoire pour que celui-ci inscrive tant la soirée que le poème en devanture d'une mythologie beat alors en train de s'écrire. C'est Howl. Les cisailles impuissantes de la censure et un procès en obscénité deux ans plus tard achèveront de faire du texte un best-seller, et de Ginsberg une icône contre-culturelle, un totem pour hispters de tout temps et tout pays.
2012 : auteur d'une poignée de documentaires célébrés de toutes parts (The Celluloid Closet, The Times of Harvey Milk), un couple de réalisateurs abonnés à Sundance - ce n'est jamais bon signe - s'empare de l'affaire, porté par une inébranlable bonne volonté vulgarisatrice. C'est Howl, le film - et ce n'est guère probant. Au générique, on retrouve trois générations de beaux gosses arty : David Strathairn en procureur réac, Jon Hamm en avocat des arts et de la liberté d'expression, et James Franco, campant Ginsberg en roue libre et Ray-Ban Wayfarer.
Sourcils. Le récit, qui jamais ne paraît avancer d'un