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Libération
Critique

Oslo périlleux

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Un jeune homme au bord du vide, le temps d’un été en Norvège, Joachim Trier signe une évocation sensible d’une génération angoissée.
«Oslo, 31 août». (DR)
publié le 29 février 2012 à 0h00

«Je me souviens… Je me souviens…», citant Georges Perec, Oslo, 31 août s’élance dans un entrelacs de voix et de souvenirs de la capitale norvégienne. Collage d’éclats d’intime évanescent et de grands tremblements collectifs, empreintes nineties de petits riens adolescents ou effondrement monumental de la tour Philips, à Oslo, en avril 2000, comme une répétition inconsciente du devenir poussière des grandes sœurs new-yorkaises. On vante le sentiment de liberté, les beautés changeantes de la ville, mais celle-ci mute sans cesse, ne laissant prise à personne à mesure que les souvenirs s’estompent et les édifices s’affaissent. Aux intersections de cette élégiaque polyphonie s’esquisse peu à peu une béance partagée, les contours d’un inconnu, une silhouette que tous ont sans doute croisée, mais que nul n’a saisie.

Ce pourrait être celle d’Anders, 34 ans, joli postado postcamé, tout juste arraché à une désintox où il a laissé quelques années, son lien au monde et toute aspiration. D’un simulacre d’aube à un autre, de la rivière d’un suicide avorté à la piscine d’une étreinte arrivée trop tard, le film nous arrime à ses pas dolents d’homme creux, le temps d’une journée d’été qui agonise, revisitant la ville comme un cimetière pavé des vestiges et figures de la vie qu’il aurait pu y mener - moins en quête de rédemption que d’un sens qui inexorablement se dérobe. Le train de son futur est déjà passé, ne reste qu’à se confronter à un âge adulte dont