Inconsolables amoureux d’une actrice du muet, âmes fragiles ou fétichistes du sac plastique n’ont de meilleur refuge et point de ralliement que les cinémathèques. Un lieu absolu du réconfort tenu par de plus grands malades encore, où se fondre dans le partage d’une obscurité éclairée par les films et, au passage, assouvir quelques pulsions. Mais quand par malheur le réel l’emporte et l’institution cinéphile ferme ses salles, qui séchera les larmes du programmateur-ouvreur-projectionniste ? Vieux garçon un peu raide toujours domicilié chez papa-maman, Jorge tient à bout de bras ce temple décati qu’est la cinémathèque de Montevideo, ses projecteurs soviétiques en berne, ses fauteuils défoncés. Depuis deux décennies, il y présente westerns et cycles Oliveira, échange des courts métrages islandais comme des cartes Panini, et prête sa voix à des spots désuets qui invitent à venir trouver l’âme sœur à la Cinemateca en même temps qu’à y vendre leur âme à l’écran empoussiéré. Quand ce dévouement ne fait plus recette, les abonnements chutent, les avis d’expulsion enfoncent la porte et il lui faut alors quitter le gris paradis des amours sur celluloïd.
Bien que les deux films soient profondément dissemblables, La Vida Util réveille d'abord bizarrement le souvenir du Fantasma de Lisandro Alonso, et ses couloirs d'institut culturel désolés, réduits à une absurde jungle déglinguée de carrelages et d'affiches. On songe ensuite aux sièges usés de l'Alcazar, filmés voilà vi