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Critique

Hayao Miyazaki, entre les lignes

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Ghibli . Deux ouvrages dévoilent les processus de création et les références du très secret maître japonais de l’animation.
publié le 10 avril 2012 à 19h06

Malgré toute la méfiance que peuvent inspirer les stéréotypes nationaux, il arrive parfois que l’on vienne buter contre leurs angles les plus solides. Par exemple, celui-ci : les Japonais forment un peuple introverti. Tous les journalistes que la question du Japon travaille doivent souquer ferme pour faire mentir ce cliché, qui s’illustre particulièrement dans l’exercice de l’interview. Que ce soit dans le cinéma, les jeux vidéo, le manga, la J-pop ou l’animation, fers de lance du «produit national cool» selon la formule que l’archipel a adoptée pour définir cette stratégie industrielle, les créateurs nippons ont le plus grand mal à extérioriser leurs réflexions ou leurs sentiments. Soit ils manifestent une réserve, une discrétion, une tempérance d’ordre culturel, soit ils se contraignent dans un discours «corporate» discipliné, soit encore ils sont inhibés par notre modèle et notre ton médiatiques, très différents de ceux en vigueur dans leur pays. Là où les agents américains du «soft power» savent produire un marketing incarné jusqu’à l’extraversion, l’expansionnisme des Japonais se heurte à leur propre timidité.

Le cas de Hayao Miyazaki, que l’on a souvent comparé à Walt Disney, est à cet égard exemplaire : entre l’exhibitionnisme visionnaire de Disney, la dissémination obsessive et narcissique de sa marque et la dissolution presque parfaite de Miyazaki derrière son œuvre, on peut mesurer la difficulté particulière de l’empire du Japon à s’exprimer… impérialement.

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