D'une vie à l'autre, la réalisatrice de Cap Nord s'est appelée Sandrine Rinaldi, Camille Nevers ou Terry McKay, elle a écrit des scénarios, noirci les pages des Cahiers et de la Lettre du cinéma, été une DJ éprise tantôt d'incunables soul et de techno minimale, signé en 2004 un premier film très beau et très solitaire que peu de gens ont vu, et c'est dommage - ça s'appelait Mystification ou l'histoire des portraits.
Stridentes. Ils sont encore un peu moins nombreux à avoir vu Cap Nord, qu'elle a réalisé trois ans plus tard, et c'est tout aussi regrettable, mais en voie d'être réparé, puisque le film, longtemps chahuté par les aléas techniques, sort enfin, presque simultanément en salles et en DVD (avec pour bonus l'inestimable disque de sa bande originale). Mystification était un grand film saturé de langue et de paroles, celles de Diderot, Cap Nord ruisselle lui de musique et de chansons, celles de la northern soul. Une musique pop américaine chérie, fin sixties, par une jeunesse plouc anglaise entre deux journées à l'usine, des ballades sèches et stridentes au sentimentalisme syncopé. Les rebuts underground de la Motown, des artistes déjà oubliés par l'époque issus de labels réduits à la même obscurité, peu de totems, sinon Gloria Jones, la fiancée tragique de Marc Bolan.
«Quand j'ai réalisé le film, je n'écoutais que ça, et ces chansons étaient porteuses des mêmes sentiments que je voulais f