Quand le photographe américain Paul Strand se lance dans l'aventure des Révoltés d'Alvarado, en 1936, il espérait sans doute un tout autre destin pour ce film hors normes. Conçu dans l'enthousiasme politique d'un Mexique en plein bouleversement, promis à devenir une œuvre de référence à la Eisenstein sur la justice sociale et la vertu de la collectivité, réalisé dans les conditions précaires mais exaltées, les Révoltés d'Alvarado sont finalement restés longtemps aux abonnés absents des cinémathèques avant de revenir, cette année seulement, à la vie. Ce n'est pas faute d'avoir excité, au moins depuis les années 50, la curiosité des amateurs. Mais, avant que la World Cinema Foundation et son fondateur, Martin Scorsese (lire ci-contre), ne finissent par convaincre quelques riches donateurs de lui rendre sa splendeur passée, Redes (le titre original) a longtemps subi la malédiction de l'oubli, tandis que le récit de son tournage, le temps passant, prenait des allures d'épopée mythologique.
Dans les années 30, le Mexique est une destination prisée des intellectuels, artistes et personnalités politiques de gauche, la révolution et son aura romanesque (Pancho Villa, Zapata et compagnie) éclipsant sans doute les règlements de compte sanglants entre anciens partisans qui nourrissent encore la rubrique nécrologique des journaux.
«Straight photography». A Mexico, Paul Strand est devenu très ami avec Carlos Chávez, le compositeur le plu