On est trop sérieux quand on a 12 ans, trop lunaire aussi. Sous l'œil grand angle du jeune quadra Wes Anderson, c'est l'âge de tous les ravissements, toutes les sidérations, toutes les bascules, où surgit l'ivresse tétanique du premier amour. Un âge d'échappées et de pactes terribles, dont Moonrise Kingdom fait sa trame élégiaque, s'accrochant à la fuite en socquettes de deux gosses enamourés à travers mers, bois et falaises, avec une troupe scoute, les services sociaux et toutes les névroses du monde adulte à leurs trousses.
Boudeur. Suzy est une belle enfant au visage grave soupçonnée par ses parents d'être dépressive, Sam un orphelin ombrageux en uniforme et toque Crockett, promis aux électrochocs et, pire encore, à la garde de Tilda Swinton. Leur évasion leur fait traverser utopies enfantines avec Françoise Hardy pour marraine, premiers baisers, premières morsures - superbe scène où le garçonnet à la lèvre très délicatement duvetée perce les oreilles de son amour de plage avec des hameçons, faisant ruisseler un filet de sang sous son menton boudeur. A moins que tout cela ne soit qu'une rêverie mi-enchantée, mi-hantée de Sam ou Suzy, inventée comme une parenthèse romanesque entre prologue et épilogue quasi identiques, en guise de doudou chimérique pour tromper les passions indicibles et l'ennui. Peu importe à vrai dire ; ce septième film d'Anderson, qui lui vaut sa première invitation à prendre part au cirque cannois, est le plus beau depuis l