Qui ne versera pas une larme à la vision d'Amour peut être raisonnablement traité de con. Mais la grandeur de ce film, sa hauteur, c'est qu'il n'a que faire de nos larmes, qu'il n'est pas là pour les sécher, nous consoler et encore moins en profiter. On expérimente chaque jour qu'il y a un marketing de la tristesse, que le cinéma par exemple, trop souvent, nous fait pleurnicher sur n'importe quoi. Le film de Michael Haneke dit qu'on ne peut pas pleurer sur n'importe quoi et surtout pas avec n'importe qui. Enfin un film digne de nous, c'est-à-dire digne de l'humanité.
Bravoure. Anne et Georges sont un couple de longue durée qui, avec le temps, comme dans la chanson de Léo Ferré, a appris à «laisser faire et c'est très bien». Au matin d'un petit déjeuner, Anne est saisie par une absence, prémisse d'une attaque qui la laissera paralysée du côté droit, diminuée, déclinante et bientôt mourante. Le scénario de son agonie est aussi simple que le résumé qu'en fait son mari : «Ça va aller de mal en pis, et puis ce sera fini.» Tout est dit et filmé à l'aune de cette sobriété, sans l'ombre d'un suspense obscène. Car la scène qui se déroule derrière le décor est plus importante que le spectacle.
En huis clos, entre les murs d'un appartement parisien vieillot, bohème artiste - Anne et Georges sont professeurs de musique classique à la retraite - où bien des murs sont des bibliothèques. L'hôpital n'existe pas (on y va, on en revient, on fait prome