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Critique

L’homo invisible

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Les critiques du Festival de Cannes 2012dossier
Liberté . Un documentaire fait le portrait de l’ancienne génération homosexuelle.
publié le 20 mai 2012 à 23h56

En 1978, un collectif de cinéastes américains réalisait Word Is Out . C'était un docu simple, puissant et beau, où pour la première fois des hommes et des femmes racontaient leur vie homosexuelle face caméra. Le film, conçu à l'orée des mouvements homos modernes, annonçait le phénomène du coming out massif du début des années 80, lequel allait contribuer à la fabrication de ce que l'on perçoit aujourd'hui, à tort ou à raison, comme étant l'identité communautaire homo.

Plus de trente ans plus tard, Sébastien Lifshitz semble vouloir faire écho à Word Is Out en recueillant à son tour, selon une méthode très proche, les témoignages d'homosexuels français. Il a focalisé son regard sur un échantillon particulier de cette population : les vieux. Le titre d'Invisibles leur va bien : ils forment un maillon silencieux, né dans l'entre-deux-guerres, dont l'activité sexuelle ne s'est pas affirmée sous une forme revendicative.

Hommes et femmes, urbains ou ruraux, aisés, modestes, intellos, bergers, ils se sont glissés entre les mailles des filets sociaux, vivant leur sexualité à l’ombre, cherchant partout l’amour ou la bonne occasion, mais ne cherchant jamais à se faire remarquer. Cette invisibilité des témoins sélectionnés doit aussi s’entendre comme un rappel historique. Les «invisibles» sont parfois non identifiables : même lorsqu’on connaît leurs goûts sexuels, les vieux homos restent souvent peu adaptés aux catégories mentales ou langagières qui se