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Libération
Critique

A Sarajevo, la guerre est décalée

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Noël . Plongée dans la ville bosniaque toujours meurtrie.
L'actrice Marija Pikic dans le rôle d'une orpheline de guerre. (DR)
publié le 21 mai 2012 à 22h46

Qu'est-ce qu'un film utile ? Djeca, de la Bosniaque Aida Begic. Parce qu'il nous avise de l'après-guerre civile et ethnique dans laquelle vivotent les différents éclats de l'ex-empire yougoslave. Ce qu'il est advenu de Sarajevo, qui fut le passe-partout de toutes les horreurs, réelles ou fantasmées. Mais aussi, plus accaparant, l'après-guerre en général. La vie des survivants, quel que soit le cataclysme humain qu'ils ont vécu. Le regret de ce qui s'est passé, le chagrin du temps perdu, mais aussi la nostalgie. L'odeur de la guerre est aussi un parfum entêtant.

Bazooka. Le personnage de Rahima est à l'image de ce paradoxe : 23 ans, orpheline de la guerre de Bosnie, bonniche dans un restaurant chic de Sarajevo, seconde mère pour son jeune frère Nedim - diabétique vaguement délinquant - et récemment convertie à l'islam. C'est sa valeur refuge, son espoir de respect par tous, et en particulier de mise à distance des hommes qui convoitent sa beauté (l'actrice Marija Pikic, de fait à tomber raide). Mais il n'y a pas que la face qu'elle se voile. Drôle de fille en foulard, qui jure comme un camionneur, fait l'humour au bazooka, fume comme une caserne de pompiers, envoie vertement péter quiconque lui cherche des noises.

La part documentaire du film est à l’aune de ce style nerveux : comme une paire de claques, le passé de la guerre est évoqué par des documents d’archives, où le chaos du cadre coïncide avec la panique de ce qui est alors filmé (tirs de sniper