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Critique

«Vous n’avez encore rien vu», la toile de Resnais

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Le cinéaste français livre une œuvre testamentaire et se joue avec malice de la mort.
«Vous n'avez rien vu», de Alain Resnais (DR)
publié le 21 mai 2012 à 21h56
(mis à jour le 22 mai 2012 à 16h53)

Alain Resnais va mourir. C’est affreux, c’est cruel, mais ce n’est pas nous qui insistons, c’est lui. La mort, il ne pense qu’à ça, et il y a fort à parier qu’à son âge, on fera tous pareil. Pas sûr, pourtant, qu’on ait le courage de s’y confronter- et l’intelligence de s’en amuser - autant que lui.

Dans Vous n'avez encore rien vu, plus nettement encore que dans ses films précédents souvent qualifiés de crépusculaires, la mort est le sujet explicite, celle de l'artiste pour être plus précis. Il est dramaturge, s'appelle Antoine et, selon son majordome, vient de décéder. Une douzaine de ses amis, tous acteurs, sont convoqués dans son «extraordinaire» maison pour la lecture de ses dernières volontés. Elles sont curieuses : «Veuillez assistez à la projection de ce film où une jeune troupe de théâtre adapte mon Eurydice», leur fait-il savoir en substance, «et décidez vous-mêmes si ces acteurs débutants sont dignes de reprendre les rôles où vous vous êtes illustrés». Postés sur de vastes canapés face à un large téléviseur, les amis du défunt, dans une position jumelle de la nôtre, assistent dès lors à une projection dont l'abîme est non seulement spatial, mais surtout temporel.

Audace. A mesure que la pièce amateur déploie son cours modeste, son public d'experts se transmute en effet à son tour en personnages, chacun parmi les acteurs confirmés voyant sa propre substance glisser progressivement dans le rôle de celle ou celui qui prétend lui succéd