L'autre jour, dans la vraie vie, on était un peu choqué et admiratif d'entendre une ado, à la terrasse d'un bistrot, confesser : «Je ne suis pas sûre d'aimer les gens.» Pour le héros d'Eléphant blanc, le dernier film de Pablo Trapero, c'est l'inverse : il aime les gens, c'est sûr, au point de leur consacrer sa vie de missionnaire. Jeune curé belge et progressiste, immergé volontaire dans le «bidonville de la Vierge» de Buenos Aires, père Nicolas semble bien incapable, cependant, de questionner cet altruisme incandescent qui lui fait perdre la tête et prendre tous les risques. Péché d'orgueil ?
Dédale. En deux heures denses, sans halte, Trapero peint une fresque prompte, souvent palpitante, qui aligne d'impressionnantes séquences de bruit, de fureur, d'action et de foule. Le dédale de la favela, que domine la structure inachevée d'un gigantesque hôpital dont les travaux ont cessé il y a vingt ans, formera le décor presque unique d'Eléphant blanc. Le chantier fantôme donne son titre au film, mais il s'applique aussi à son héros : le blond père Nicolas (auquel Jérémie Renier donne une surface solaire et une intimité sourde) se repère comme le nez au milieu de la figure parmi l'exubérant petit peuple latino. Entre les violences permanentes du narcotrafic, les descentes militaires, les vendettas (sidérante scène de l'enterrement du petit caïd Cruz, après récupération de son cadavre tuméfié sur une brouette à travers la zone ennemie), les