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Libération
Critique

Mayday, Médée !

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«A perdre la raison», le quotidien d’une femme au foyer en perdition.
publié le 23 mai 2012 à 19h36

Comment devient-on Médée aujourd’hui quand on s’appelle Murielle, jeune femme issue d’une banlieue moyenne du nord de l’Europe (environs de Liège), qu’on se marie très vite et qu’on a coup sur coup beaucoup trop d’enfants dont bientôt on se saura plus que faire, sinon s’en débarrasser ? Comment peut-on en faire un film ?

La réponse de Joachim Lafosse est une tragédie provocante dont le beau classicisme entre en résonance avec la Médée de Corneille qui, dans l'adresse à sa pièce, écrivit une épître pouvant servir de critique au film : «Je vous donne Médée, toute méchante qu'elle est, et ne vous dirai rien pour sa justification. Je vous la donne pour telle que vous la voudrez prendre, sans tâcher à prévenir ou violenter vos sentiments par un étalage des préceptes de l'art, qui doivent être fort mal entendus et fort mal pratiqués quand ils ne nous font pas arriver au but que l'art se propose. Celui de la poésie dramatique est de plaire, et les règles qu'elle nous prescrit ne sont que des adresses pour en faciliter les moyens au poète, et non pas des raisons qui puissent persuader aux spectateurs qu'une chose soit agréable quand elle leur déplaît. Ici vous trouverez le crime en son char de triomphe, et peu de personnages sur la scène dont les mœurs ne soient plus mauvaises que bonnes ; mais la peinture et la poésie ont cela de commun, entre beaucoup d'autres choses, que l'une fait souvent de beaux portraits d'une femme laide, et l'autre de belles imitations d'une act