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Libération
Critique

«Faust» and furious

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Le mythe de Goethe devient un superbe monument en ruine sous le regard fou d’Alexandre Sokourov.
«Faust» d'Alexandre Sokourov (DR)
publié le 19 juin 2012 à 19h56

«Ce serait l'affaire d'un mois de tranquillité, et l'œuvre surgirait du sol, comme un grand essaim de champignons, à la grande stupéfaction et au grand scandale du monde», écrit Goethe à Schiller en juillet 1797 alors qu'il se remet à travailler sur le Faust dont il a déjà publié une première version. Sokourov, lui, parle de son film, lion d'or 2011 à Venise, comme d'«un arbre qu'il faut laisser pousser». Le texte et les images s'enracinent dans une même tourbe fertile nourrie de la décomposition universelle. «Pénétrer avec transport par la pensée jusqu'à la moelle de la terre», lit-on dans la pièce et, à la fin du film, Faust est secoué d'un rire communicatif devant un geyser d'eau brûlante éjaculée par un trou dans la terre.

Du «Prologue dans le ciel» figuré par le dramaturge allemand en ouverture de sa tragédie où discutent le Seigneur et le Diable ne reste ici, après le générique, qu’un miroir pendulaire suspendu aux voûtes du cosmos, reflétant l’azur et les nuages. Là-haut, il n’y a rien, ni personne. La relecture du mythe grandiose par le cinéaste russe écrase le destin sulfureux du docteur Faust, de Méphistophélès et de l’innocente Margarete dans l’étroite volumétrie d’un monde matériel, lui-même comme compressé par la force gravitationnelle, l’attirance irrésistible de toute chose vers le bas.

La prolifération horizontale de l’«essaim de champignons», organisme bizarre, ni végétal ni animal, proche de la rouille, de la moisissure ou