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Libération
Critique

«Sibérie», du wagon à l’âme

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Preiss et Dumont en Transsibérien et au bord du déraillement.
publié le 26 juin 2012 à 19h06

Un couple quitte Vladivostok en train, petites caméras au poing. Ils se filment l'un l'autre dans l'exiguïté de la cabine du Transsibérien, tandis que défilent à la fenêtre la frontière chinoise les gares enneigées et les grises plaines industrielles de la Russie orientale. Souvent ivres, parfois d'alcool, souvent de leurs propres paroles, ils se scrutent, se cherchent et se disputent à mots durs quand l'un censure l'autre, dans un jeu mi-chamailleur mi-séducteur qui a la banalité de l'amour. Faut-il jouir, vivre, travailler ensemble ? Comment peux-tu me filmer ainsi alors que tu dis m'aimer ? La réponse est toujours affaire de mise en scène, jamais simple, pleine d'afféteries joueuses. Ils se dispensent des leçons de cinéma à la volée qui valent discours amoureux. Il aime jouer au tyran, elle a le goût de la dérobade, les minicassettes s'accumulent dans le porte-documents au-dessus de la couchette. Peu à peu, le fil de l'histoire se délite dans la relecture des fragments de dispute enregistrés, les sentiments en suspension projetés sur les paysages à la fenêtre de la cabine tournent aigres et s'évaporent. Un homme, une femme, un train et beaucoup de mots, voilà le programme sommaire et rebattu de Sibérie.

Lui, c'est Bruno Dumont, cinéaste réputé sévère (de la Vie de Jésus, l'Humanité, H