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Libération
Interview

«Que sont mes amis devenus ? Je dirais : des films»

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Leos Carax exprime sa «fureur» de n’avoir pas pu tourner durant de longues années :
publié le 3 juillet 2012 à 19h06

Plus d’une décennie durant, Leos Carax, 51 ans, n’a pas tourné et ne s’est pratiquement pas exprimé. Sa parole est rare, souvent laconique. Mais cette fois, comme Garbo, il parle.

Quel temps fait-il ? Quel temps aimeriez-vous qu’il fasse ?

Je suis étonné par le manque de variations dans les temps qu'il fait. «Le ciel a vieilli», disait Monsieur Merde après sa résurrection, dans le film Tokyo !. On entend souvent l'expression «Y'a plus de saisons», alors que les saisons sont encore très sages et prévisibles. Il est étonnant que tout ça ne se détraque pas bien plus - tornades de vents brûlants, averses de météorites rouillées. Envie de dire à Dieu : «Surprenez-nous !» Mais il a vieilli lui aussi, il est fatigué, alors il se répète. Dieu est comme ça, parfois il fait beau, parfois il fait chier.

Que sont vos amis devenus ?

«Je crois le vent les a ôtés.» Je ne parlerai que de mes amis garçons. Enfant, j'en avais beaucoup. J'étais chef de bande. Adolescent, j'en avais très peu. De moins en moins, et puis plus du tout. Plus tard, en arrivant à Paris, j'ai eu la chance de très vite rencontrer les deux garçons qui allaient devenir mes grands alliés pour les années à venir. Elie, postier de nuit, explorateur de films, de livres et de musiques. Il m'a fait découvrir mille choses, dont Pierre ou les ambiguïtés, de Herman Melville. Et Jean-Yves Escoffier, chef opérateur. Jean-Yves et moi nous sommes vus tous les jours des années 80. On préparait nos films à tous moments, en tous lieux, au hammam de la mosquée, chez lui en fumant de l'opium