Si l'enfer des filmothèques existe, Schizophrenia en mérite probablement le titre de secrétaire perpétuel. Tourné en Autriche par Gerald Kargl, jeune inconnu retourné aussitôt après à un complet anonymat, le film a subi depuis sa sortie chaotique en 1983 le supplice d'un inexorable retour aux oubliettes. Ce n'est pas faute d'avoir fait l'objet de multiples tentatives de résurrection, en VHS (Carrère Vidéo pour la France) ou DVD (jusqu'à celle-ci chez Carlotta), de diffusions télé sur le câble (CinéCinéma) et de l'acharnement, salutaire mais bien mal récompensé, de programmateurs de festivals. Le film ne s'est jamais remis d'une classification X dont il a hérité un peu partout, conduisant ses distributeurs à le laisser moisir sur une étagère plutôt que de tenter une sortie en salles suicidaire. En 1985, la commission française de classification des films décidait d'interdire aux mineurs l'accès au film, imposant même un avertissement selon lequel il pouvait «heurter la sensibilité des spectateurs, même adultes» et justifiant ainsi sa décision : «La commission a jugé ce film particulièrement dangereux. C'est en effet une sorte d'hymne au plaisir de tuer.»
Sparadrap. Le plus souvent, ce genre d'anathème est de nature à déclencher un mouvement massif de curiosité. Pas pour Schizophrenia, qui traîne auprès du grand public une malédiction tenace comme un vieux sparadrap, mais qui bénéficie chez les grands malades de la cinéphilie