C'était en 1997, deux ans après la Haine de Kassovitz. La banlieue était à la mode, avec ses casquettes et ses galères. Dans sa ville de Meaux (Seine-et-Marne), à 40 kilomètres de Paris direction Strasbourg, Jean-François Richet sort Ma 6-T va crack-er, son deuxième long métrage, abstrait et bouillant, qui jette devant la caméra les habitants eux-mêmes. C'est un film venu de la banlieue qui montre la banlieue, et quasi exclusivement Beauval, une cité édifiée à la fin des années 60 sur les ruines d'un projet du Corbusier non réalisé.
Le quartier est une presqu'île rattachée à la ville médiévale par un interminable boulevard, bordée par le canal de l'Ourcq et une zone industrielle. Ma 6-T va crack-er se déroule là, comme dans une bouteille sans air. Le film suit plusieurs groupes de personnages qui vivent leurs petites histoires d'amour et de violence et se retrouvent au pied du bâtiment Albret - haut de seize étages et posé sur trois pieds. L'architecte a appelé ça une «caravelle», pour faire chic, mais c'est en réalité une carcasse de béton où le moindre son résonne dans des couloirs turquoise interminables. On y logeait un millier de personnes dans 285 appartements à la grande époque, quand ce genre de bâtiment représentait la modernité - grandes pièces, eau chaude et parking fermé - pour de jeunes couples banlieusards, puis des familles d'immigrés du Maghreb et d'Afrique de l'Ouest. Meaux en a construit une dizaine à Beauval, en plus de plus petit