Soyons respectueux, mais soyons prudents : Chris Marker est peut-être mort, dimanche 29 juillet, chez lui, à Paris, le jour même de son 91e anniversaire. Peut-être mort, car on aimerait en douter, mais aussi pour rendre un hommage approprié à sa très versatile personne, à sa très ondoyante identité, cette capacité qu'a toujours démontrée Chris Marker à organiser son propre effacement, sa propre disparition, bien avant que la mort n'en décide.
Avant d’être une suite factuelle d’événements tangibles, la biographie de Chris Marker est donc à considérer d’abord comme le champ d’intervention, libre et mouvant, d’un artiste multipolaire, où les dédoublements, les inventions et les avatars se confondent avec les faits. Ceux-ci nous enseignent que Chris Marker est né sous l’état civil de Christian-François Bouche-Villeneuve, le 29 juillet 1921 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), et non à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie, comme il s’est amusé à le faire croire.
Le mystère reste épais sur ses années de jeunesse : un séjour de deux ans, enfant, à Cuba, des études dans les beaux quartiers, une licence de philosophie obtenue au moment où éclate la Seconde Guerre mondiale. Alors adolescent, il entre en Résistance : c’est là qu’il se forge son pseudo.
Ses premières interventions dans la sphère intellectuelle se feront via la revue Esprit, en plein renouveau d'après-guerre, qui accueille, entre 1946 et 1955, ses nombreuses contributions déjà polymorphes (commentaires,