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Libération
Reportage

Beyrouth, ville recouverte

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[mémoire] . En 1981, en pleine guerre civile, l’Allemand Volker Schlöndorff filme dans «le Faussaire» une cité qui n’est plus.
publié le 17 août 2012 à 20h16

L’été, l’odeur y est lourde, fétide, parfois insupportable quand le vent de la mer ne vient pas la chasser. On croit respirer des remugles d’anciens charniers. Les Beyrouthins disent que c’est à cause des abattoirs, mais les tanneries et les usines chimiques en sont plus probablement la raison. Et il y a la rivière, quasiment morte en cette saison, qui évoque davantage un égout à ciel ouvert qu’une voie d’eau. Mais les légions de Porsche qui convergent, à partir de minuit, accompagnées de coupés Mercedes, de 4 × 4 BMW et de quelques Ferrari vers le parking à l’entrée du quartier de la Quarantaine ne semblent pas gênées par ces embruns industriels.

Les belles voitures sont aimantées par une tombe, ou plutôt un sépulcre immense dans lequel on descend par un escalier assez raide après avoir montré patte blanche à un gang de balourds qui soupèsent du regard votre âge et votre portefeuille. A l’intérieur de la tombe, la musique cogne comme dans un combat de poids lourds. Bienvenue au B018, boîte emblématique de Beyrouth, œuvre phare de l’architecte libanais Bernard Khoury. A quelques centaines de mètres de là, peut-être moins, s’étendait le bidonville de la Quarantaine qui accueillait des Kurdes, des chiites et des Palestiniens et fut le théâtre, le 16 janvier 1976, du premier grand massacre de la guerre du Liban. Une photo de l’admirable Françoise Demulder - elle fut, grâce à ce cliché, la première femme à obtenir le World Press - rend bien compte de la tragédie qui fit au moins