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Libération
Critique

A l’ombre de «Solario»

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Adaptation . Inceste, mensonge et littérature
publié le 21 août 2012 à 22h18

Lac de Côme, automne 1906. En villégiature dans un hôtel de luxe, quelques aristocrates s'enivrent de champagne et de mondanités. Ils sont français, belges, russes, anglais ou italiens, se donnent tantôt du «lord», tantôt du «madame la marquise». Débarque Natalia Solario, astre qui tourne la tête à ces messieurs. Puis son dandy de frère, Eugène Ardent, sans crier gare - c'est son tempérament. Tous deux attisent désirs et convoitises, elle parce qu'elle vient de divorcer, lui pour son parfum d'aventure, jusqu'à ce que leur histoire éclabousse ce beau monde de viol, de sang, d'inceste. Les visages trop lisses cachent une part d'ombre, comme les images léchées, la réalité crue.

Madame Solario, le roman, a porté plus de cinquante ans la même signature : Anonyme. L'auteure craignait que l'histoire d'une relation amoureuse entre un frère et une sœur ne jette sur elle l'opprobre critique. Puis ses éditeurs lui interdirent de rompre l'anonymat pour cause de manne financière. Privée de gloire, Gladys Huntington se suicida trois ans après la parution de son best-seller, en 1959.

16 mm au poing, René Féret démonte le théâtre de la bonne société. De réceptions fastueuses en repas cul serré, il se glisse derrière les sourires de façade, ceux qui font dire si naïvement au jeune narrateur de cette histoire éminemment littéraire que «les clients de l'hôtel sont joyeux et sympathiques». Fût-elle plus perspicace, cette voix off verrait dans les robes à corset