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Rencontre

«A perdre la raison» de Joachim Lafosse, l’effroi de ses entrailles

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Joachim Lafosse suit le parcours tragique d’une mère infanticide. Rencontre.
Joaquim Lafosse, le 17 juillet à Paris. (Manuel Braun.)
publié le 21 août 2012 à 22h17

On sait tout de suite. Quatre cercueils d’enfants. C’est là qu’on va, c’est la fin de l’histoire. Mais l’image d’après, on est déjà reparti en arrière, au début. Murielle et Mounir font l’amour, avec gaieté et avec délicatesse, ils sont tendres, ils sont jeunes, ils sont beaux, on est loin des petits cercueils, si loin qu’on ne dirait pas la même histoire.

A perdre la raison, le cinquième film du réalisateur belge Joachim Lafosse, 37 ans, ne raconte pas l’infanticide. En tout cas pas celui des rubriques faits divers, des JT et des flashs infos, fresques vite peintes destinées à matérialiser «l’horreur», «l’impensable», à se rassurer soi-même de se sentir si effrayé, si étranger. A perdre la raison raconte la vie d’avant l’horreur, la construction de l’emprise, les limites franchies pas à pas. Cela commence, comme souvent les tragédies, par une histoire d’amour. Mounir et Murielle se marient, partent en vacances, ont un enfant, sont heureux… Cela commence comme ces vies que l’on voit disséquées dans les cours d’assises, frappé à chaque fois de les trouver si banales, si quotidiennes et ressemblantes aux nôtres.

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Dans la vie de Mounir, il y a André, médecin généraliste bien établi, célibataire endurci. André a adopté Mounir lorsqu’il était jeune, on ne sait pas au juste quand, on ne sait pas non plus vraiment de quoi est faite leur relation, tant s’y mêlent l’affection, la dette, la soumission du protégé au protecteur, la dépendance de l’aîné