C'est à Paris que Clarisse Hahn rencontre son «kurdish lover», Oktay, jeune homme qui retourne dans son pays qui n'existe pas, dans des montagnes situées en territoire turc. La réalisatrice pratique le documentaire depuis plusieurs années, on lui doit déjà Karima (2002), portrait d'une dominatrice d'origine algérienne, ou encore (en 2005) les Protestants, description au long cours de son propre milieu d'origine.
Volontairement peu spectaculaire, son approche consiste à enregistrer dans un espace humain et culturel donné le maximum de situations prosaïques, d'interactions plus ou moins conflictuelles… Ici, les personnages sont moins Oktay, le fiancé, que sa grand-mère, une vieille femme pleine d'ironie et de ruse qui partage son espace domestique avec sa bru. De nombreuses scènes révèlent les tensions explosives entre les deux femmes. On découvre aussi l'importance des rituels religieux chez ces Kurdes de confessions alévi, un animisme mêlé d'islam. On trempe quelques poils de la barbe d'un saint dans un verre d'eau pour se protéger du mauvais sort, on sacrifie des animaux et l'on distribue des morceaux de viandes au voisinage dans un système de don qui lie la communauté à une transcendance qui est aussi visible ici-bas, dans ce paysage de montagne investi d'un fort pouvoir magique et symbolique.
Ce qui étonne le plus, ici, c'est la verdeur des échanges. Les femmes, en particulier, ont la langue bien pendue : «Depuis qu'on m'a enlevé mon