A moins de dessiner un schéma grotesque ou de se lancer dans des circonvolutions ridicules, il vaut mieux renoncer à décrire l'effet absolument saisissant que procure l'ouverture du Sommeil d'or : il faudrait des notions de physique optique pour mieux comprendre (et expliquer) pourquoi un simple travelling nocturne filmé depuis l'avant d'une voiture devient, quand il est monté à l'envers, une féerie romantique un poil angoissante…
Ce qui commence par un tour de magie d’une telle force et pourtant d’une telle sobriété n’est pas une fiction fantastique mais un documentaire sensible et passionnant. Son sujet est un continent perdu : le cinéma cambodgien. Un cinéma qui est né, a explosé, puis a disparu. Plus de 400 films ont été produits au Cambodge entre 1960 et avril 1975, date de l’arrivée des Khmers rouges aux portes de la capitale. Après leur victoire, le cinéma est interdit, les salles sont fermées, les cinéastes assassinés et les films détruits. Tous, ou presque.
Lambeaux. L'auteur du Sommeil d'or, Davy Chou, partage des liens familiaux avec cette histoire funeste, son grand-père ayant été un producteur important de Phnom Penh à cette époque. Repartant sur ses traces, il découvre que du cinéma cambodgien il ne reste rien sinon une essence : elle s'incarne dans le lien créé par les films, la diffusion de leurs images au fond des mémoires, les souvenirs de tournage de certains acteurs, producteurs, réalisateurs, tous devenus la matière d'une